Poème : De la couleur du ciel et de la terre

Publié le par Aelghir

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Joseph Anton Koch, Paysage d’orage avec un cavalier sur le chemin du retour, vers 1829-30, Staatsgalerie Stuttgart






Première voix :


Du ciel peut-on savoir la couleur, gente dame ?
Je le dirai rosé s'il reflète ton âme,
Nacré comme ton sein, doré comme la flamme
Et l'énigme sacrée que sont toutes les femmes.



Seconde voix :


De la terre le teint est-il celui de l'homme ?
Trop souvent de nos sangs la libérale somme
De tous vos fiers combats en nourrit les racines.
Mon seigneur, aimez-vous la couleur assassine ?



Première voix :


Le mal existe-t-il pour que je rêve au ciel ?
Et l'azur de tes yeux pour faire pièce au fiel
Que la mer irritée de leur bleu délicieux
Projette en son courroux jusqu'au plus haut des cieux ?



Seconde voix :


Ocre jaune et vermeil, je filtre la poussière,
Entre mes doigts tremblants, du corps de notre mère.
Vous la martyrisez, par le feu et le fer,
Abreuvant ses sillons d'une liqueur amère.



Première voix :


Lors, ne t'étonne pas, ô toi, femme céleste,
Qu'au creux de ton regard, qu'au ballet de tes gestes,
Je cherche sans répit la couleur chatoyante,
Fantôme lumineux qui sans cesse me hante.



Seconde voix :


Tu tends vers moi tes mains, ô homme sans mystère,
Tes paumes sont marquées par les plaies de la terre.
Je te plains, mon ami, mais je crains ta violence.
Ce soir le ciel rougeoie sous le faix de vos lances.



Première voix :


Lumière de mes yeux, prends pitié de celui
Qui humblement te prie, ô étoile qui luit
Pour le blême noyé, ballotté par la houle
Et le pendu blafard conspué par la foule.



Seconde voix :


Ô homme, ô guerrier, quitte tes voies mauvaises.
Tes pieds caresseront le chemin qui apaise
Les coeurs durcis au feu de l'enfer sur la terre.
Et tu découvriras la vraie couleur de l'air.



Première voix :


Crois-tu que je pourrais connaître sa nuance ?
Car j'ignore comment cultiver l'espérance.
Guide-moi vers le but, ô divine maîtresse,
Cet éclatant sentier où marche l'allégresse.



  Seconde voix :


Ô enfant du malheur, fils de la destruction,
Je suis la femme et fleur, arme de rédemption.
Ma couleur est l'amour par lequel je te sauve.
Je couronne ton front de lys blancs et de mauve.

Publié dans Poèmes

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