POEME : Femme fleur
Il commande un flacon d'un vin né aux coteaux.
Sa robe raffinée acquiert dans la lumière
Les reflets d'un rubis. Est-ce tard ou bien tôt ?
Il a bien assez d'or dedans son aumônière !
Il savoure et il noie cette mélancolie
Qui lui vient lentement aux soirs tièdes d'été.
Mais il ne boira pas pour l'inutile oubli,
Ni pour la folle ivresse aux rives du Léthé.
En fait, il cherchera le goût du souvenir,
En d'autres occasions qui n'ont pas existé,
D'un passé incertain dont il croit détenir
La lourde clef rouillée qui a tant résisté.
Sa mémoire est blessée et marquée pour toujours
Par un baiser cruel, caresse d'une fée,
Une fleur emportée par le vent de ses jours,
Une femme inconnue méprisant ses hauts faits.
Sa blanche et longue main gracile comme un lys,
Du haut de son balcon, adressa un doux signe.
Mais un autre que lui en a fait ses délices.
De ce jardin secret, il n'était donc pas digne.
Il porte le flacon à ses lèvres et le vin
Au parfum enivrant d'imprécise tristesse
Se complait à tisser comme un obscur devin
L'avenir au passé, l'espoir à la détresse.