Poème : L'enfant mort

Botticelli
En rêve je revois l'instant bleu de ma mort
Dans l'odorant sous-bois, près du figuier retors.
Les filets de mon sang étoilaient le dallage,
Je n'étais qu'un enfant ignorant des orages.
Quel nom portais-je alors pour un si court destin ?
J'étais faible de corps, prisonnier d'un destin
Dont je ne sais toujours quel monstre l'a tramé.
Dans le sombre séjour, l'apprendrai-je jamais ?
Je jouais, je crois bien, avec une chimère,
Fidéle comme un chien, beau présent d'une mère
Dont le visage absent déplore, doux fantôme,
Le trépas de l'enfant qui ne fut jamais homme.
Ses traits sont effacés, j'imagine ses larmes.
L'animal fut passé au fil de la même arme,
Un coutelas brandi par la main criminelle
Qui emporta la vie du fils d'un duc rebelle.
Mon père fut puni en son unique fils.
On exigea ma vie en odieux sacrifice
Pour abattre celui qui se révéla traître
A l'Etoile qui luit, le Dragon, notre maître.
Mais les rêves d'un mort ne sont-ils que mensonges ?
A qui n'a plus de corps ne restent que les songes.
Me suis-je imaginé, par un orgueil plaisant,
Germe d'une lignée plutôt que paysan ?
Je voudrais arpenter les lieux de mon enfance,
Le jardin enchanté qui aimait ma présence.
Que j'en fusse occupant ou humble jardinier
Est-ce bien important pour l'enfant éloigné ?