Deux poèmes

CHANT DU MISERABLE POETE...
L'aronde à mon balcon a édifié son nid.
Sans trêve elle nourrit ses petits affamés.
Ma plume n'écrit plus, mes doigts sont engourdis.
Ce soir le rossignol chante sous ma fenêtre.
Le musicien charmant célèbre son aimée.
Mon luth est silencieux, il me faut bien l'admettre.
Un moineau vient mendier, sautillant sur mon seuil,
Quelques miettes de pain que pour lui j'ai semées.
De mon inspiration dois-je faire le deuil ?
Le faucon pèlerin a investi ma tour.
Des hauteurs il s'abat sur la gent emplumée.
Ma muse m'a quitté sans espoir de retour.
L'hirondelle aux grands froids délaisse ma maison...
Comme l'oiseau frileux s'enfuit ma renommée
Pour avoir sacrifié l'amour à la raison.
(Francis Bacon)
LACHE
Le passé me détruit, l'avenir m'épouvante.
Ardentes sont mes plaies, nul lendemain ne chante.
A force d'avanies, je n'ai plus d'espérance.
Le fol hasard déploie ses dés sur la balance.
Mon esprit las faiblit, je rejette le monde.
L'envol des oraisons évitera ma tombe.
Et l'aile du vautour tissera l'or et l'ombre
Avec l'abaissement du néant où je sombre.
J'ai renié mes amis, proféré le blasphème,
Je vais maigre et blanc faucher ce que je sème
L'endurance est sans but, à quoi bon tant de peine ?
Je ne veux persister à vivre à perdre haleine.
Je cède sans soupir, je refuse la grâce,
J'effacerai mon nom, c'est là ma seule audace.
L'absence de remord pour cet ultime effort
Fera qu'enfin la mort sera mon réconfort.