Poème : Homme de sang

AA
HOMME DE SANG
Vois-tu ce noir frisson sur les têtes tranchées,
L'écarlate moisson des membres arrachés,
L'atroce fauchaison des corps écartelés ?
Ce n'est que déraison à l'horreur attelée.
Les corbeaux y festoient un funèbre festin,
Leurs becs affreux nettoient les regards incertains
Des orbites vidées de leurs yeux terrifiés.
La guerre est une idée, m'as-tu un jour confié.
Est-ce pour crucifier mon vieux coeur que tu lances
Cet assaut justifié par ta jeune arrogance,
Ce carnage insouciant dans la plaine arasée
Où le vol impatient des charognards rusés
S'abat sur les vivants autant que sur les morts ?
Mais de ce bain de sang n'as-tu aucun remord ?
Tu t'appropries leurs vies avec la convoitise
D'un prédateur maudit, la présomption te grise.
Te détourner du mal est pour toi détestable.
Le sang de ce graal tu répands sur la table
De l'autel consacré en sacrifice odieux.
Crois-tu donc qu'il agrée au Tout Puissant, au Dieu
Que tu prétends servir par des tueries infâmes ?
Il va bientôt sévir, Il hait qui Le diffame.
Le sang des innocents, ton Dieu te le réclame.
Qu'ils soient dix mille ou cent, c'est le prix de leurs âmes.
Vers Lui montent les cris de ceux que tu assailles.
Ils gémissent, ils prient, leurs voix lasses s'éraillent.
Tu paieras le prix fort car plus de mille fois
Tu connaîtras la mort et plus souvent l'effroi.
Du grand pressoir soudain le sang débordera,
De nos veines le vin enivrant te noiera !