POEME : Jumeaux

Publié le par Aelghir

 

                                    

 

Mon frère contre moi commit la transgression.

Celui que j'honorais m'infligea l'oppression.

Son insincère cœur médita l'agression

Pour me coucher au sol, jouir de ma suppression.

 

A peine un court instant me fit naître l'aîné,

Il se mit à haïr celui qui était né

Le premier des jumeaux, lui n'était que puîné.

A n'être que second, il était enchaîné.

 

Le trône toutefois n'était pas son objet.

Il m'avait dit vouloir exister sans reflet,

Briser l'odieux miroir dans lequel il n'était

Qu'un simple souvenir et un vague projet.

 

On le crut mon pareil, lui-même s'en vantait

Tandis que dans son cœur par le péché hanté,

En proie à la folie, sans cesse il fomentait

D'invalider l'erreur de notre parenté.

 

Mon jumeau meurtrier, lui que j'aimais pourtant,

Qu'à genoux j'adjurais d'abandonner au temps

Le pouvoir d'effacer jusqu'à nos différends,

De mes larmes riait et m'appelait enfant.


 Il se raillait de moi qui parlais d'amitié,

Qui invoquais l'amour sans nommer la pitié,

Qui rappelais la loi qui nous faisait moitiés

Et doubles pour la vie... Il se voulait entier.

 

Puis le mal pour le bien, le trompeur me rendit.
Sans honte il me livra au poignard d'un bandit.

Il renia nos liens et en sortit grandi.

Tous accordèrent foi à ce qu'il leur en dit.


 

Il lui fallait tuer pour vivre sans partage,

Et ne plus demeurer de son sosie l'otage.

Notre séparation lui donnait l'avantage.

Il arma un soudard pour vivre sans image.


 

Le chef de la lignée, l'aïeul rébarbatif,

Sans rechigner rendit un jugement hâtif.

On vint lui dénoncer un pauvre homme craintif,

Il n'eut plus qu'à sceller l'acte vindicatif.


 

Fut-ce par lâcheté qu'il maudit l'innocent

Et ne répugna pas à répandre son sang ?

Mon frère règnerait et deviendrait puissant

Aisé à courroucer et volontiers blessant.


 

L'inventaire si bref sur ma pierre tombale,

Le linceul replié sur mon visage pâle,

Le cri à jamais tu sous le poids d'une dalle

Firent du criminel le dernier enfant mâle.


 

Tu seras bientôt roi, unique par ma mort.

Mais sous le marbre froid, l'assassiné qui dort

N'oubliera pas celui qui lui causa ce tort.

Frère, tu goûteras l'effroyable remord.

Publié dans Poèmes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article